L’expérience client est au coeur des discussions depuis plusieurs années : presse professionnelle, salons, conférences, séminaires, pas un instant ne passe sans que le sujet ne soit mis sur la table. Mais la réalité est souvent plus cruelle lorsqu’il s’agit d’aborder le sujet au sein de l’entreprise, entre voeux pieux et déclarations d’intentions non suivies de fait. Il faut dire que le sujet est vaste, et que potentiellement chaque collaborateur est amené à jouer un rôle dans la définition de l’expérience client. Parmi toutes ces personnes, une est pourtant déterminante : le chef d’entreprise, au sommet de l’organisation.
Le dirigeant doit incarner l’enjeu de l’expérience client.
De nombreux dirigeants reportent malheureusement sur leurs collaborateurs la responsabilité du sujet et préfèrent se concentrer sur la croissance et la rentabilité, privilégiant la sphère financière à celle de la relation client. Ce type de stratégie finit pourtant pas nuire aux uns comme aux autres. Ce phénomène est a priori plus fréquent à la tête des grands groupes qu’à celle des TPE-PME par une plus grande distance avec le terrain. Pourtant la réalité est plus nuancée qu’il n’y paraît. Le dirigeant d’une petite ou moyenne entreprise est aussi au contact direct des commerciaux et du marketing et voit combien la croissance est une bataille de chaque instant. C’est souvent l’urgence qui dicte les choix, « business first« , comme on dit.
Jeff Bezos, par exemple, est à la tête d’Amazon, une des plus grandes entreprises mondiales. On pourrait penser qu’il fait parti de cette catégorie de dirigeants qui ne regarde d’abord et avant tout que les chiffres, poussés par ses actionnaires avides de dividendes. Pourtant, la priorité fondamentale au coeur de la stratégie de croissance de l’entreprise est l’expérience client de puis le début. Lors des réunions, une chaise vide symbolise ce client qui doit être présent autour de la table et structurer toutes les propositions ou innovations. L’objectif étant bien entendu la croissance du chiffre d’affaire. Jeff Bezos joue un rôle déterminant par son leadership et sa capacité à prendre des risques, à investir fortement dans le seul but d’améliorer l’expérience client, jusqu’à en devenir le symbole même auprès des consommateurs comme de ses concurrents. Quitte à contrarier les actionnaires. Son approche de l’expérience client est stratégique et non tactique. L’expérience client est un enjeu de long terme.
Jamie Dimon, CEO de Morgan Chase, va même plus loin et affirme que les entreprises ne devraient même pas communiquer leurs résultats trimestriels pour ne pas tuer la dynamique à plus long terme. La pression ne devrait pas venir de l’extérieur, les marchés, mais de l’interne avec la mobilisation de l’ensemble des équipes, et jusqu’aux clients eux-même. Starbucks l’a très bien compris en créant une plateforme communautaire dès 2007, My Starbucks Idea, destinée à recueillir les idées des clients concernant tout ce qui a trait l’entreprise, du café à l’ambiance des magasins, en passant par le merchandising, l’innovation, les moyens de paiements, l’engagement sociétal de l’entreprise. Chaque membre de la communauté peut proposer ses idées mais aussi voter pour ou contre celle des autres. Chaque heure de chaque jour de l’année, 3 à 5 idées sont mises en lignes. Les propositions autour du café dépassent les 45000 idées. Bien entendu, en championne de l’expérience client, la marque analyse les propositions ayant reçu le plus de votes favorables et informe la communauté des suites qu’il leur donne via 4 statuts : en attente d’étude, en cours, proposition acceptée, proposition déployée. Le retour de la marque est déterminant pour parachever cette collaboration.
La satisfaction client doit primer sur les objectifs à court terme
Dans ce cas là, pourquoi n’y-a-t’il pas plus de dirigeants orientés expérience client ? Comme nous l’avons dit plus haut, parce qu’une majorité d’entre eux ont leurs yeux rivés sur les chiffres. Plus l’entreprise croit, plus le signal diffusé est celui d’un dirigeant performant. Mais le client s’en fiche. Il attend des entreprises dont il consomme les produits ou utilise les services qu’elles répondent à son besoin, l’écoute et réponde à ses problématiques. Pour le client, l’indice de satisfaction prime sur le prix, il devrait en être de même pour l’entreprise car la satisfaction client favorise la croissance.
Comme dans toute relation, si vous ne dépensez pas suffisamment de temps et d’argent à la nourrir et la développer, elle ne durera pas. Il en est de même pour les clients. Si vous ne cherchez pas à investir du temps et de l’argent à améliorer la manière dont ils interagissent avec votre marque, ils iront le faire ailleurs. Il n’est pas question ici uniquement de stratégie de fidélisation souvent très coûteuse pour un résultat plus que relatif. Comme l’a démontré Byron Sharp dans son livre « How Brands Growth », le taux de fidélisation est sensiblement le même sur un marché, que vous soyez leader, outsider ou dernier. Seule l’augmentation des parts de marché permet d’améliorer la croissance et l’expérience client est son ingrédient secret.
Les chefs d’entreprise et organes de gouvernance ont donc un rôle primordial à jouer s’ils acceptent de changer leur approche et de l’orienter vers les clients. Les responsables opérationnels doivent de leur côté comprendre l’importance de l’expérience client et sauter à pieds joints en consacrant le temps et les ressources que cela nécessite. Le dirigeant en devenant moteur de la transformation de l’entreprise par la réorientation stratégique vers la satisfaction client permet de développer une culture forte qui se diffusera dans toute l’organisation.